À l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, l'Association pour l'emploi des cadres (Apec) dévoile une enquête alarmante. Un tiers des cadres français présentent aujourd'hui des signes de fragilité psychologique. Pression constante, surcharge de travail et hyperconnexion fragilisent particulièrement les managers, les femmes et les jeunes.

Une pression constante qui fragilise les cadres

L'enquête, menée en 2025 auprès de 2 000 salariés, met en lumière une dégradation significative de la santé psychologique des cadres. Selon l'Apec, 32 % d'entre eux présentent fréquemment au moins un signe de santé mentale dégradée : stress intense, épuisement professionnel, anxiété, déprime ou irritabilité persistante.

Les femmes (34 %) et les moins de 35 ans (36 %) sont davantage concernés que les hommes (30 %) et les seniors (23 %). Au total, 41 % des cadres déclarent travailler souvent sous pression, contre seulement 21 % des autres salariés. "La situation est préoccupante", alerte Gilles Gateau, directeur général de l'Apec. Pour lui, il ne faut plus limiter le problème aux cas extrêmes de burn-out : fatigue chronique, troubles du sommeil ou démotivation constituent déjà des signaux alarmants.

La culture du dépassement de soi aggrave cette fragilité. Pour 83 % des cadres, la performance est perçue comme une valeur identitaire.

Mais "la frontière entre dépassement de soi et épuisement est particulièrement mince", prévient l'Apec.

En pratique, 76 % travaillent sur leur temps libre et 63 % disent devoir "toujours" ou "souvent" penser à trop de choses en même temps. La multiplication des notifications et des canaux de communication alimente un stress diffus qui grignote peu à peu leur équilibre.

Les managers en première ligne et souvent démunis

Les managers apparaissent particulièrement exposés. Près de 58 % déclarent ressentir un stress intense, contre 52 % pour les autres cadres. En plus de leurs propres tâches, ils doivent gérer la production de leurs équipes, animer, contrôler, fédérer, gérer les conflits et accompagner les collaborateurs en difficulté. Une psychologue du travail résume : "Ceux-là ont du mal à avoir du temps pour eux" et naviguent en permanence entre leur travail et celui de leur équipe.

Neuf managers sur dix estiment avoir un rôle à jouer dans la prévention de la santé mentale de leurs collaborateurs. Pourtant, 49 % craignent d'être maladroits ou intrusifs. Faute de formation spécifique, beaucoup improvisent en proposant de l'écoute, des ajustements de planning ou du télétravail ponctuel. Des gestes utiles, mais largement insuffisants pour traiter les causes structurelles du mal-être.

“On est projeté dans un poste de manager avec un accompagnement de maximum une semaine”, témoigne un cadre. De leur côté, seuls 26 % des managers considèrent que leur entreprise agit réellement sur la santé mentale.

"Je suis toujours effaré du fait qu'on balance des gens en position de management sans accompagnement", insiste un psychologue du travail cité par l'Apec.

Un tabou persistant et des conséquences réelles

Malgré l'ampleur du problème, la parole reste rare. Plus d'un cadre sur trois redoute d'être perçu comme “non fiable" s'il évoque ses difficultés, et 39 % craignent que cela freine leur carrière. "Un cadre doit être fort, il doit toujours prendre sur lui", déplore Gilles Gateau, rappelant que la moitié des cadres en situation de handicap ne déclarent pas leur condition.

Pourtant, les conséquences sont tangibles : un cadre sur cinq a été arrêté au moins une journée en raison de troubles liés au stress ou à l'anxiété au cours des douze derniers mois. Si les arrêts restent minoritaires, ils sont souvent plus longs en France qu'ailleurs, traduisant une "usure professionnelle", selon l'économiste Philippe Askenazy : "À force, les gens craquent."

À cette pression psychologique s'ajoute un modèle de management encore trop hiérarchique. "La France est très mauvaise élève en management", a dénoncé Nayla Glaise, présidente d'Eurocadres. Pour l'Apec, seule une mobilisation collective (direction, RH et salariés) permettra de sortir de ce tabou et de protéger durablement la santé mentale des cadres.



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