Près d'un adulte sur deux vit avec une douleur persistante, souvent intense, au quotidien.
C'est le constat alarmant que dresse la Fondation Analgesia dans un baromètre publié à l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre la douleur. Face à cette crise sanitaire ignorée, les spécialistes réclament une réponse nationale et une meilleure prise en charge médicale.
Une souffrance massive et en hausse
La douleur chronique touche désormais 42 % des adultes en France, soit près de 23,1 millions de personnes, selon le premier Baromètre de la douleur publié par la Fondation Analgesia. Ce chiffre marque une nette progression par rapport à 2008, où un tiers seulement de la population se disait concerné.
Les douleurs musculosquelettiques arrivent en tête (36 %), suivies des douleurs orofaciales (33 %), abdominales (15 %) et neuropathiques (12 %). Environ une personne sur deux ressent une douleur intense, notée à plus de 6 sur 10 sur l'échelle de la douleur. “La douleur chronique, c'est vivre avec une douleur quasi-constante depuis au moins trois mois”, rappelle le professeur Nicolas Authier, président de la Fondation Analgesia. “C'est inquiétant parce que vous n'avez pas de perspectives de guérison et c'est inquiétant au point que certains de ces patients envisagent même de mettre fin à leurs jours.”
Le baromètre, réalisé avec l'Observatoire français de la douleur et OpinionWay sur un échantillon de 11 940 adultes, alerte aussi sur l'impact global de ces douleurs : troubles du sommeil, fatigue, anxiété, isolement, et difficultés à maintenir une activité professionnelle.
Une prise en charge jugée largement insuffisante
La majorité des patients interrogés déplore un suivi médical peu efficace. Deux tiers d'entre eux n'observent aucune amélioration de leur état, et 36 % vivent avec un handicap fonctionnel modéré à sévère. “Il n'y a qu'un tiers des patients souffrant de douleur chronique qui sont satisfaits de leur prise en charge, ça nous laisse quand même des millions de Français qui sont dans un grand désarroi”, souligne le Pr Authier.
Alors que la Haute Autorité de santé recommande une prise en charge pluridisciplinaire, les soins sont le plus souvent assurés uniquement par le médecin traitant. L'accès aux 270 centres spécialisés reste limité : moins d'un tiers des patients y ont été orientés.
“Très peu de médecins sont bien formés à la douleur chronique”, regrette le neurochirurgien Marc Lévêque. “L'algologie - la médecine spécialisée dans la prise en charge de la douleur chronique - n'est pas une spécialité à part entière, donc elle peine à exister et a très peu de moyens.”
Le recours à l'automédication explose, la recherche en panne
Face aux délais et à l'inefficacité perçue des soins, l'automédication devient la norme : 87 % des patients l'utilisent régulièrement, et 16 % consomment même des opioïdes sans prescription. Des pratiques à risque, dans un contexte où l'offre médicale spécialisée reste insuffisante.
Le Pr Authier alerte : “Ça fait des dizaines d'années que l'innovation est en berne et qu'on n'a pas découvert de nouvelles molécules.” Il appelle à un plan d'action national structuré, à davantage de financements pour la recherche, ainsi qu'à une meilleure formation des médecins généralistes.
Pour la Fondation Analgesia, la lutte contre la douleur chronique doit devenir une priorité nationale. “Ces nouveaux chiffres appellent à un plan d'action immédiat pour garantir un accès équitable aux soins et structurer un parcours de santé plus efficace sur l'ensemble du territoire national”, insiste son président.

La rédaction d'Assurland