Les récentes émeutes en Nouvelle-Calédonie ont plongé le secteur des assurances dans une situation complexe. La Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de l'archipel a déjà chiffré les dommages à 200 millions d'euros pour les trois premières nuits de violence. Ce nouveau coup dur intervient moins d'un an après les émeutes de l'été dernier, qui avaient coûté près de 800 millions d'euros aux assureurs.
Bruno Le Maire au chevet des assureurs
Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a annoncé qu'il réunirait les assureurs cette semaine pour "garantir une indemnisation rapide et juste du monde économique". Cette annonce fait suite à une réunion téléphonique entre le ministre, la ministre déléguée aux Outre-mer Marie Guévenoux, ainsi que les élus et représentants du monde économique de Nouvelle-Calédonie. Une cellule de crise économique a été mise en place pour centraliser les données et travailler sur la reconstruction et la relance économique de l'île.
Impact des émeutes : Allianz en première ligne
Parmi les assureurs, Allianz France est particulièrement exposé avec ses 50 000 clients en Nouvelle-Calédonie, représentant une part de marché de 27% sur le territoire, et même plus élevée pour les entreprises. D'autres assureurs comme l'australien QBE ont également une présence significative mais restent plus discrets sur leurs chiffres.
"Les faits constatés sur place semblent être, à peu près, de même nature que ceux constatés lors des émeutes de l'été dernier, qui avaient conduit à d'importants dégâts pour les collectivités concernées et leurs assureurs respectifs", explique la MAIF aux Échos, qui n'est pas directement exposée aux risques actuels. Cependant, sa filiale SMACL, premier assureur des collectivités locales, a essuyé de lourdes pertes en 2023 après les émeutes urbaines consécutives à la mort de Nahel, tué par un policier. Les incendies et dégradations de mairies, écoles et autres centres communaux ont coûté 200 millions d'euros à SMACL.
Les garanties des contrats d'assurance pour les émeutes et mouvements populaires sont sous pression. Jérôme Goy, avocat chez Enthémis, explique aux Échos que "les garanties émeutes et mouvements populaires prévues dans la plupart des contrats de dommages aux biens vont s'appliquer". Cependant, il note que ces garanties ont souvent diminué et les franchises ont augmenté, pouvant atteindre jusqu'à un million d'euros par sinistre. Ce durcissement est une conséquence directe des mouvements sociaux comme celui des "gilets jaunes" et des émeutes de l'été dernier.
Guerre civile : une complication pour les indemnisations
La qualification des événements par les autorités pourrait compliquer les indemnisations. Louis Le Franc, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, a déclaré que "l'on s'engage tout droit dans une guerre civile". Or, en droit des assurances, les guerres, y compris les guerres civiles, sont souvent exclues des contrats.
Romain Dupeyré, avocat chez DWF, précise aux Échos que "des assureurs pourraient être tentés d'invoquer cette cause pour refuser d'indemniser un client, car les guerres civiles sont moins fréquemment couvertes". Jérôme Goy ajoute que, dans le cas des guerres civiles, c'est à l'assureur de prouver que les dommages sont la conséquence d'une guerre entre citoyens d'un même État pour ne pas indemniser, ce qui est une situation plus compliquée pour l'assureur.

La rédaction d'Assurland