Depuis son introduction en 2006, le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) joue un rôle clé dans la régulation immobilière en France. Pourtant, une étude récente menée par la start-up KRNO met en lumière une fraude généralisée, dite des DPE de complaisance. Près de 19 % des logements classés F auraient été artificiellement reclassés en E, touchant plus de 1,3 million de biens immobiliers. Le coût total de cette pratique frauduleuse est estimé à 21,4 milliards d'euros.
Des mécanismes favorisant les dérives
Plusieurs facteurs expliquent l'ampleur de cette fraude. Contrairement à des certifications rigoureuses comme le métrage Loi Carrez, le Diagnostic de Performance Énergétique laisse une large marge d'interprétation. "Le diagnostiqueur peut connaître le résultat avant son enregistrement, ce qui facilite les manipulations", souligne l'étude. Cette flexibilité, combinée à l'absence de contrôle indépendant, crée un terrain propice aux abus.
Les pressions exercées par les propriétaires jouent également un rôle important. Les logements classés F ou G, qualifiés de passoires thermiques, seront interdits à la location respectivement en 2025 et 2028. Ces échéances incitent certains propriétaires à exiger un diagnostic plus favorable pour contourner la réglementation.
Enfin, les témoignages de particuliers illustrent ces dérives. Un propriétaire raconte : "J'ai affirmé que mes combles étaient isolés, mais le diagnostiqueur ne les a même pas vérifiés." Un autre acheteur, a découvert des anomalies électriques graves malgré un diagnostic supposément impeccable.
Des conséquences lourdes pour le marché et l'environnement
Cette fraude fragilise non seulement les acheteurs mais aussi les locataires. Ces derniers se retrouvent dans des logements mal isolés, confrontés à des factures énergétiques exorbitantes. À l'échelle nationale, cette pratique compromet également les efforts de transition énergétique. En faussant l'ampleur des passoires thermiques, elle freine les rénovations nécessaires pour atteindre les objectifs de la loi Climat et Résilience.
"Nous n'avons pas de méthodologie très précise pour ces diagnostics", déplore Daniel Labaronne, député d'Indre-et-Loire. Ce manque de rigueur méthodologique affaiblit un outil pourtant indispensable pour identifier les logements énergivores.
Réformes et pistes d'amélioration
Pour restaurer la confiance, plusieurs solutions sont envisagées. KRNO préconise la centralisation des données dans une base gérée par l'ADEME, où les résultats seraient enregistrés automatiquement avant tout ajustement. La mise en place de contrôles indépendants, inspirés des contrôles techniques auto, pourrait également renforcer la fiabilité du système.
Daniel Labaronne propose un double audit énergétique en cas de doute sur un diagnostic, ainsi que des certifications numériques pour garantir la traçabilité des diagnostiqueurs. En Allemagne, ce type de dispositif a déjà fait ses preuves.
Pour Hassad Mouheb, président de la Fédération de l'efficacité énergétique du bâti, "la majorité des diagnostiqueurs travaille bien, mais les fraudes sont en augmentation". Des efforts coordonnés entre professionnels, pouvoirs publics et consommateurs sont indispensables pour limiter ces dérives.

La rédaction d'Assurland