Le dispositif phare de la rénovation énergétique, MaPrimeRénov', sera suspendu dès juillet 2025. La décision, confirmée par plusieurs membres du gouvernement, est justifiée par un triple motif : surcharge des services, fraude importante et consommation rapide du budget. Cette annonce provoque un séisme dans le secteur du bâtiment, inquiet pour l'avenir de la filière.

Une aide saturée par son propre succès

Lancé en 2020, MaPrimeRénov' devait encourager la transition énergétique des logements privés. En 2025, le budget initial de 3,6 milliards d'euros a été rapidement absorbé, notamment en raison de l'explosion des rénovations globales, combinant plusieurs travaux coûteux. Résultat : le nombre de logements rénovés a triplé au premier trimestre par rapport à l'année précédente.

Mais ce succès a un revers. L'examen des dossiers a pris du retard, lié en partie à l'adoption tardive de la loi de finances. Les services instructeurs sont saturés, les délais de réponse s'allongent d'un mois en moyenne, et les paiements accusent déjà des retards dans plusieurs territoires.

"Il y a à la fois un encombrement en ce moment et un excès des fraudes (...) sur lequel nous voulons reprendre la main", a déclaré Éric Lombard, ministre de l'Économie, devant le Sénat.

Stopper les aides pour freiner la fraude : le pari du gouvernement

Selon le gouvernement, la suspension vise aussi à mieux encadrer les dérives. Près de 16 000 dossiers sont jugés "suspicieux", soit 12 % du stock actuel, selon Éric Lombard. Le ministère du Logement entend s'appuyer sur la loi Cazenave, récemment votée, pour renforcer les contrôles en lien avec Tracfin et la DGCCRF. Cette réforme implique la fermeture temporaire des dépôts de dossiers pour certains travaux, notamment les rénovations globales individuelles, les isolations et changements de chauffage.

Le ministère promet que les dossiers déposés avant la fermeture et considérés comme non frauduleux seront instruits et payés. Une réouverture partielle est envisagée d'ici fin septembre, et le dispositif pourrait être rétabli avant la fin de l'année.

La colère des professionnels du bâtiment

Néanmoins, ces explications ne suffisent pas à calmer la colère des artisans. "C'est totalement insupportable et incompréhensible", a réagi Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). Selon lui, "le système a été gelé en début d'année, et trois mois après, on le regèle, soi-disant à cause de la fraude !"

Le secteur dénonce un manque de constance. "Les entreprises artisanales du bâtiment ont besoin de visibilité et de stabilité", rappelle Jean-Christophe Repon, président de la Capeb. Les professionnels s'inquiètent pour leur activité, leur trésorerie, et redoutent une chute brutale des chantiers. "Si on arrête cette prime, on sait que les ménages vont refermer le portefeuille", alerte Olivier Salleron.

Il prévient même : "Nous n'avons pas de tracteurs, mais nous avons des grues, ça peut faire mal. Nous représentons 800 000 salariés, et le BTP, c'est 1,7 million d'actifs."

L'effet domino d'une suspension brutale

Hormis les artisans, de nombreuses collectivités locales tirent la sonnette d'alarme. Dans des territoires comme la Meuse, l'Ardèche ou la métropole de Lyon, les enveloppes budgétaires sont déjà épuisées. Début mai, sept d'entre elles ont alerté le ministère sur une "situation de blocage", pointant une explosion des demandes et une insuffisance de crédits alloués par l'Anah.

Du côté des associations, là-aussi la décision passe mal. Le collectif Rénovons, qui rassemble acteurs du logement et professionnels, dénonce un "non-sens total". Pour Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, "suspendre une aide indispensable aux ménages modestes... parce qu'elle marche ! Ce gouvernement bascule dans l'absurde."



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