Face à la hausse inédite des catastrophes naturelles en France, le système d'assurance habitation est à un tournant. Un rapport du Haut-Commissariat à la Stratégie et au Plan, publié le 12 juin 2025, met en lumière l'urgence de réformer la couverture des risques climatiques. Le constat est sans appel : l'augmentation des sinistres, le déséquilibre financier du régime actuel et la nécessité de préserver la solidarité collective appellent des solutions innovantes. Parmi elles, la création d'une "Sécurité sociale climatique" se distingue par son ambition.
L'explosion des coûts liés aux risques climatiques
Sécheresses, inondations, tempêtes... Les "événements d'ampleur exceptionnelle" se multiplient et mettent à mal le système d'indemnisation actuel. Entre 2019 et 2023, le coût annuel des sinistres climatiques oscillait déjà entre 1,8 et 4,5 milliards d'euros pour les biens des particuliers et professionnels, soit une hausse de 10 à 20 % par rapport à la moyenne des quarante années précédentes. Selon les projections du Haut-Commissariat, ce montant pourrait bondir de 40 % à 120 % d'ici à 2050.
Le régime "Cat Nat", qui repose sur un partenariat public-privé, a vu ses réserves fondre ces dernières années, forçant l'État à relever la surprime dédiée. "Le système actuel est puissant et solidaire, mais, si nous n'anticipons pas, il pourrait devenir obsolète face à la montée des risques et à la multiplication des épisodes climatiques brutaux", avertit Clément Beaune, haut-commissaire au plan.
Trois scénarios pour réformer l'assurance habitation
Pour garantir l'assurabilité des logements, le rapport propose trois pistes de réforme progressives, toutes articulées autour d'une implication croissante de l'État.
Premier scénario : l'État régulateur
L'État conserve son rôle de régulateur du marché de l'assurance via la réassurance, en maintenant le régime Cat Nat. Ce modèle introduit un "contrat responsable" sur le modèle de la santé, avec un contenu standardisé, des incitations fiscales et une possible extension de la garantie décennale pour certains sinistres. Ce scénario engendrerait un surcoût de 1,3 à 2 milliards d'euros par an par rapport à la situation actuelle.
Deuxième scénario : l'État garant intégral des risques majeurs
Ici, l'État prendrait en charge l'ensemble des risques climatiques majeurs, notamment la sécheresse et l'érosion côtière. Cette approche conduirait à la "nationalisation" de certains risques, à la suppression des arrêtés de catastrophe naturelle pour l'indemnisation et à la modification du fonds Barnier afin de financer l'adaptation des logements. L'assurance multirisque habitation deviendrait obligatoire pour tous. Le surcoût estimé atteint 4,7 à 5 milliards d'euros.
Troisième scénario : une "Sécurité sociale climatique"
Le modèle le plus ambitieux propose une "socialisation complète et universelle" des risques climatiques. L'État deviendrait l'assureur unique, couvrant automatiquement tous les ménages via des "cotisations climatiques" modulées selon la valeur du bien et le statut de l'occupant. Ce système, organisé en "branches" (sécheresse, autres aléas, zones menacées), offrirait une protection équivalente à la Sécurité sociale actuelle. Les propriétaires de résidences secondaires ou de logements vacants s'acquitteraient d'une surcotisation. Ce scénario nécessiterait un budget supplémentaire d'environ 5 milliards d'euros par an.
Une réforme nécessaire, mais un débat ouvert
Si le rapport souligne l'urgence d'une réforme, il ne tranche pas sur le scénario à privilégier. "Nous proposons une boîte à outils et des scénarios très concrets, très précis, qui permettent de faire des choix. Il est sans doute trop tôt pour choisir un scénario définitif, mais il n'est pas trop tôt pour s'accorder sur un socle commun", explique Clément Beaune.
Les auteurs insistent sur l'importance d'organiser rapidement une conférence nationale sur le changement et les risques climatiques. Ils recommandent également une cartographie publique des risques et un meilleur accès aux données détenues par les assureurs.
Le débat est lancé, avec en toile de fond le difficile équilibre entre intervention publique, solidarité nationale et viabilité financière. L'idée d'une "Sécurité sociale climatique" bouscule les acteurs traditionnels du secteur, mais pourrait bien s'imposer face à l'accélération des risques naturels.

La rédaction d'Assurland